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Des textiles égyptiens vieux de 4000 ans éclairent sur la durabilité des fibres de lin
Publiés dans la revue Nature Plants, des travaux impliquant des scientifiques de FEMTO-ST aident à proposer des matériaux à base de fibres de lin toujours plus performants et résistants.
L’Homme a de tout temps utilisés les fibres d’origine végétale, telles que le lin, pour la fabrication d’étoffes et de vêtements. Encensé à l’époque de l’antiquité égyptienne, le lin est encore aujourd’hui utilisé par les filateurs et tisseurs qui œuvrent à la diversification de ses utilisations et des aspects. Les tissus techniques à base de lin sont également l’objet d’un intérêt grandissant pour des applications composites dans les secteurs du transport, du nautisme, des sports et loisirs. Ils permettent d’offrir une alternative plus respectueuse de l’environnement du fait du caractère renouvelable et recyclable de cette matière végétale.
La question de la durabilité et du vieillissement de ces matériaux est au cœur des recherches les plus innovantes. L’évaluation de la durabilité des matériaux passe généralement par la mise en œuvre d’essais accélérés permettant de reproduire sur des temps courts le vieillissement sur le long terme. Le risque est alors d’induire des mécanismes de dégradation qui n’existent pas dans les conditions de vieillissement réel.
Pour le lin, son utilisation remontant au Néolithique, il est possible d’accéder à des étoffes anciennes et ainsi d’étudier les effets d’un vieillissement réel et de longue durée sur les propriétés de ces fibres. C’est l’idée du Dr. Alain Bourmaud à l’IRDL (Institut de Recherche Dupuy de Lôme). En collaboration avec des scientifiques du Musée du Louvre, du LMGC, du synchrotron SOLEIL, de l’INRAE Nantes, de l’Université de Cambridge et de l’institut FEMTO-ST, les propriétés des fibres extraites de linges mortuaires vieux de 4000 ans retrouvés dans des sarcophages égyptiens ont été caractérisées et comparées aux propriétés de fibres textiles de lin actuelles. Les résultats ont montré que ces fibres anciennes présentent encore d’excellentes propriétés mécaniques, témoignant des bonnes conditions de conservation grâce à l’environnement hygrothermique régnant dans les tombes. Les travaux de caractérisation ont été réalisées grâce à des techniques de pointe telles que la microscopie à force atomique et la microscopie biphoton. Les chercheurs de l’institut FEMTO-ST impliqués ont quant à eux réalisés des analyses nanotomographiques aux rayons X afin d'obtenir des images 3D des fils et fibres de lin constituant l'étoffe mortuaire et de comparer leurs morphologies à celles de fils et fibres de lin actuellement cultivées et transformées en Europe. L’outil utilisé permet d’accéder à une résolution spatiale de l’ordre 0.4 mm et donc de fournir de nombreux détails sur ces fibres, dont le diamètre ne dépasse pas une trentaine de microns. C’est un des outils de la plateforme MIFHySTO, généralement exploité pour des applications liées aux microtechniques. Cet outil de pointe peut néanmoins être utilisé et exploité pour d'autres applications mettant en œuvre des objets microscopiques, telles que les fibres de lin! Les images nanotomographiques ont mis en évidence en avant que les défauts structuraux inhérents aux fibres lin ont été amplifiés au cours du temps. Ces zones de faiblesse mécanique constituent également des sites privilégiés pour l’absorption d’eau. Les informations acquises sont donc importantes pour mieux appréhender le vieillissement et la tenue sur le long terme des fibres de lin modernes.
Contact : Vincent Placet
https://doi.org/10.1038/s41477-021-00998-8
Voir l'article du CNRS